L’an Mil
La réalité de l’an Mil
Le Comte Guillaume, qui, aidé de ses vassaux, avait enfin débarrassé la Provence de ces redoutables envahisseurs, bénéficia d’une autorité et d’une popularité sans précédent. Surnommé Guillaume le Libérateur, il prit le titre de marquis. Il devint en outre Comte unique de Provence et se fit reconnaître des droits héréditaires sur la partie méridionale du Royaume de Bourgogne. Son pouvoir ne connaissant plus de limite, il alla jusqu’à considérer les domaines royaux et les menses comtales comme des biens de famille, à caractère héréditaire. Son prestige et ses ressources financières lui permirent d’exercer sur les territoires libérés un pouvoir sans partage.
Il avait trouvé, dans la basse vallée de l’Argens, une terre ravagée, désertée par ses habitants et inculte; toutes les villae brûlées; la ville de Fréjus pillée et incendiée, son port ensablé, son canal d’accès impraticable. Des marécages malodorants occupaient tout le delta du fleuve, les terres n’étaient plus drainées et étaient abandonnées aux ronces et aux mauvaises herbes. L’évêque Riculfe affirmait que, de son évêché, il ne restait que le nom.
Sur le terroir de Roquebrune, la chapelle Saint Pierre, qui desservait la villa de Vallis, était en ruines, les survivants du massacre étaient partis ou avaient trouvé un asile précaire dans les forêts ou les marécages.
La plus grande partie des terres n’avait plus de propriétaires et en l’absence d’archives, les droits de chacun étaient souvent impossibles à établir, ce qui devait entraîner de nombreuses contestations lorsque les rescapés reviendraient sur leurs terres.
Le comte Guillaume dut imposer son arbitrage entre les prétentions parfois non fondées des anciens occupants du sol. Il sut jouer dans ces litiges le rôle d’un conciliateur plein de sagesse. Usant tantôt du serment, tantôt du témoignage des vieillards, il réussit à rétablir un certain nombre de titres détruits et à restituer équitablement les terres à leur propriétaires.
Mais beaucoup de propriétaires légitimes avaient disparu : les terres abandonnées revenaient de droit au roi Conrad le Pacifique, le suzerain de Guillaume. Or, une charte de Saint Victor nous apprend que le roi lui en aurait dévolu la possession. Le Comte Guillaume se retrouva donc maître d’un immense terroir entre Arles et Nice.
Il eut la sagesse d’en redistribuer la majeure partie à ses compagnons d’armes en récompense de leurs services; nous en avons un exemple avec la charte de 980 faisant don à Gibelin Grimaldi de la région de Grimaud. Ainsi donc, Guillaume le Libérateur, « vaillant capitaine et bon justicier », sut redonner aux Provençaux non seulement la sécurité mais aussi un cadre juridique qui allait permettre la reconstruction et la remise en valeur du pays. Il mourut en 993, en laissant une Provence en pleine renaissance qui allait connaître au Xlème siècle un grand développement économique et démographique.
D’après un article de Justinien COUGOURDAN,
Gil GIANONE
et du Docteur Hubert MEGE.